Gabor Maté : un parcours inspirant et une nouvelle compréhension du traumatisme

Il est des rencontres intellectuelles qui bouleversent notre vision de la vie. Pour moi, découvrir la pensée du Dr Gabor Maté a été de cet ordre. Médecin, auteur et conférencier d’origine hongroise et établi au Canada, Gabor Maté est reconnu pour son approche holistique du trauma et de la guérison. Dans cet article, je vous propose de faire connaissance avec son parcours, de comprendre son approche du traumatisme, et d’explorer en quoi sa vision m’a profondément inspirée. Son travail m’a aidée à mettre des mots sur des douleurs invisibles et à envisager de nouvelles voies de guérison.

Un véritable chemin de vie que j’ai à cœur de partager ici.

Gabor Maté : un parcours inspirant et une nouvelle compréhension du traumatisme

Le parcours de Gabor Maté : de la Hongrie à Vancouver

Né en 1944 en Hongrie dans une famille juive, Gabor Maté connaît très tôt les affres de l’Histoire. Bébé durant la Shoah, il perd ses grands-parents maternels à Auschwitz. Et sa mère doit même le confier à une parente pour le soustraire à la persécution nazie. Cet arrachement précoce constitue sa première blessure et influencera sa compréhension du traumatisme plus tard. En 1956, à l’âge de 12 ans, il émigre avec sa famille au Canada pour reconstruire leur vie loin de l’Europe dévastée.

Un médecin de famille au chevet des blessures invisibles

Adulte, Gabor Maté entame d’abord des études de littérature et devient enseignant. Puis, il se tourne vers la médecine au début des années 1970. Diplômé en médecine familiale, il exerce plus de vingt ans comme médecin de famille à East Vancouver. C’est là qu’il est confronté aux souffrances cachées de ses patients. Il côtoie au quotidien des personnes aux prises avec des maladies chroniques, des troubles mentaux et surtout de lourdes addictions, dans le quartier défavorisé de Downtown Eastside.

C’est alors que Gabor Maté devient médecin résident dans un centre de soins pour toxicomanes. Il y voit de près les ravages du manque d’amour et des traumatismes passés sur ces vies brisées. Ces expériences de terrain marqueront profondément sa carrière et donneront naissance à son livre le plus personnel. Au royaume des fantômes affamés (In the Realm of Hungry Ghosts), est le témoignage de son travail auprès des toxicomanes de Vancouver.

Entre science et quête de sens : le chemin singulier de Gabor Maté

Ce parcours riche en expériences humaines façonne la philosophie de soin de Gabor Maté. Il défend ses confrères qui innovent en matière de réduction des méfaits. Par exemple, en soutenant une clinique d’injection supervisée pour réduire les overdoses. Mais surtout, il n’hésite pas à bousculer le discours officiel sur la « guerre contre la drogue ». En 2010, toujours en quête d’outils de guérison, il explore même l’usage thérapeutique de l’ayahuasca pour traiter les dépendances. Il s’agit d’une plante hallucinogène amazonienne. Mais, il est contraint d’abandonner ces retraites chamaniques sous la pression des autorités canadiennes. Cette audace montre à quel point Gabor Maté est un médecin non conformiste, prêt à sortir des sentiers battus pour comprendre et soulager la souffrance humaine.

Aujourd’hui âgé de plus de 80 ans, Gabor Maté est reconnu internationalement comme un expert du traumatisme, du stress et des dépendances. Il a reçu de nombreuses distinctions. Comme l’Ordre du Canada en 2018, pour son apport novateur à la compréhension de la santé mentale et physique. Mais au-delà des honneurs, c’est surtout son message profondément humain et compatissant qui résonne chez des millions de lecteurs à travers le monde. Et qui a profondément résonné en moi lorsque j’ai croisé son chemin…

Une nouvelle approche du traumatisme : « Ce qui se passe en vous »

Si Gabor Maté est aujourd’hui surnommé « le docteur du trauma », c’est parce qu’il a su redéfinir ce terme de façon à la fois accessible et radicale. 

Qu’est-ce que le traumatisme selon Gabor Maté ?

« Le traumatisme n’est pas ce qui vous est arrivé, mais ce qui se passe en vous du fait de ce qui vous est arrivé »

En d’autres termes, le trauma n’est pas l’événement extérieur (guerre, maltraitance, abandon…) mais la blessure interne que cet événement provoque. Par exemple, la croyance d’être indigne d’amour ou en insécurité permanente. Cette définition m’a personnellement bouleversée, car elle déplace le regard du passé (l’événement) vers le présent (nos émotions refoulées, nos schémas de protection). Cela signifie aussi qu’une blessure intérieure peut guérir, même si l’on ne peut changer le passé. Pour Gabor Maté, c’est une source d’espoir car :

Si le traumatisme est une blessure intérieure, alors avec le bon accompagnement, cette blessure peut se résorber et nous pouvons nous reconnecter à nous-même.

Le traumatisme fondamental par Gabor Maté

Le traumatisme fondamental, explique Gabor Maté, c’est la déconnexion d’avec soi-même et d’avec les autres êtres aimants. En tant qu’être humains, surtout dans l’enfance, nous avons un besoin vital d’attachement et d’authenticité. Or, un enfant qui subit un traumatisme (qu’il soit spectaculaire comme un abus, ou plus subtil comme une indifférence affective) fait face à un dilemme insoluble :

  • Soit il exprime sa détresse (authenticité) au risque de perdre l’amour de ses parents,
  • Soit il réprime ses émotions pour maintenir le lien (attachement).

 

Bien souvent, l’enfant sacrifie son authenticité pour préserver l’attachement. Donc, il se coupe de ses sentiments réels. Cette adaptation, nécessaire pour survivre sur le moment, laisse une empreinte durable. Car, à l’âge adulte, on reste prisonnier de réactions émotionnelles enracinées dans le passé. Comme dans une « boucle temporelle physio-émotionnelle » décrite par le docteur Maté. Par exemple, une personne ayant intériorisé qu’elle ne valait rien pourra revivre ce sentiment d’abandon dès qu’une situation le réactive. Et ce, tant que la blessure originelle n’est pas consciencieusement abordée.

Touchée par la compassion du docteur Maté

Ce qui m’a profondément touchée dans l’approche de Gabor Maté, c’est sa compassion infinie pour ces mécanismes de survie que l’on développe dans la douleur. Plutôt que de juger nos comportements ou nos « faiblesses », il invite à les comprendre comme les séquelles d’une adaptation passée.

Cette perspective déculpabilisante ouvre la voie à l’auto-compassion. Ainsi, on peut enfin regarder nos peurs, nos colères ou nos comportements autodestructeurs avec bienveillance. Comme l’enfant blessé en nous qui a tenté de se protéger comme il pouvait.

Corps et esprit : quand le corps dit « non » aux blessures de l’âme

Un des grands apports de Gabor Maté est d’avoir mis en lumière les liens intimes entre traumatismes psychiques et maladies physiques. Médecin de formation, il a été frappé de constater à quel point la médecine traditionnelle sépare le corps de l’esprit. Pour lui, cette séparation est artificielle : « Dire que l’esprit est connecté au corps est incorrect… Ils font partie d’un même système » insiste-t-il. Autrement dit, nos émotions, notre système nerveux, notre système immunitaire et nos hormones sont indissociables  : un véritable tout unifié.

Dans son ouvrage Quand le corps dit non (2003), Gabor Maté explore « le coût du stress refoulé » sur notre santé. Il y présente de nombreuses études et cas cliniques montrant que le stress chronique et le refoulement émotionnel peuvent contribuer à l’apparition de maladies graves. Par exemple, il explique comment un stress prolongé « cause de l’inflammation, altère le bon fonctionnement cellulaire. Et peut même activer des gènes favorisant le cancer ». Une de ses étude révèle que les femmes ayant un état de stress post-traumatique sévère présentent un risque doublé de cancer de l’ovaire. Ces faits, encore trop souvent ignorés par la médecine classique, montre ce que Gabor Maté appelle « la connexion esprit-corps ». Pour lui, le corps finit par dire “non” lorsque l’on ignore trop longtemps les signaux de détresse de l’âme.

Quand le corps parle le langage du silence

Un aspect frappant de la pensée de Gabor Maté est sa description de certaines personnalités à risque de maladie. Dans Quand le corps dit non, il évoque par exemple le « personnage du gentil ». Des individus toujours aimables, s’occupant des autres à leurs dépens, incapables de dire non. Chez ces personnes, il a observé un taux élevé de maladies auto-immunes et de cancers.

Ce n’est bien sûr pas une causalité directe simpliste. Mais cela pointe un profil psychologique fréquent chez les patients atteints de maladies graves. En effet, beaucoup ont en commun d’avoir enfoui leur colère, d’avoir porté des fardeaux émotionnels en silence, parfois depuis l’enfance. À travers de telles observations cliniques, Gabor Maté souligne un message clé : nos émotions refoulées trouvent un exutoire dans notre corps si nous ne les exprimons pas autrement. Cette prise de conscience m’a personnellement invitée à porter un autre regard sur mes propres maux physiques, en me demandant ce que mon corps essayait peut-être de me dire.

"Nos émotions refoulées trouvent un exutoire dans notre corps si nous ne les exprimons pas autrement. "

Une prise de conscience du lien corps-esprit

Cette prise de conscience m’a personnellement invitée à porter un autre regard sur mes propres maux physiques. Notamment, en me demandant ce que mon corps essayait peut-être de me dire.

Car, en soulignant ces connexions, Gabor Maté ne tombe pas dans la culpabilisation des malades. Au contraire, il invite chacun à retrouver du pouvoir sur sa santé en explorant son monde émotionnel. Son message est qu’il n’y a pas d’opposition entre médecine et travail sur soi : les deux approches doivent se compléter. Prendre soin de son hygiène psychique – apprendre à dire non, à exprimer ses émotions, à reconnaître ses traumas – fait partie intégrante du chemin de guérison pour prévenir ou accompagner le traitement des maladies.

C’est une médecine corps-esprit que propose le docteur Maté, où chaque symptôme physique est aussi porteur de sens. Cette vision holistique résonne profondément en moi, car elle rend à l’individu son rôle d’acteur de sa santé. Tout en appelant la société médicale à davantage d’humanité et d’ouverture d’esprit.

« Pourquoi la douleur ? » : le traumatisme au cœur des dépendances

S’il est un domaine où la voix de Gabor Maté a porté fortement, c’est celui des addictions. À contre-courant des discours moralisateurs, il aborde la dépendance avec une empathie et une lucidité admirables. Sa définition de l’addiction est d’ailleurs très parlante : 

« Toute addiction est tout comportement ou consommation qu’une personne utilise pour soulager temporairement sa douleur, mais qui entraîne des conséquences négatives à long terme »

Autrement dit, la drogue (ou l’alcool, le jeu, la nourriture, le travail compulsif…) n’est pas le problème en soi, c’est une tentative de soulagement. La vraie question n’est donc pas « Pourquoi la dépendance ? » mais plutôt « Pourquoi la douleur ? ». Ce renversement de perspective est l’une des phrases-clés de Gabor Maté qui m’accompagne au quotidien : « face à un comportement compulsif, cherchons la souffrance qui le sous-tend » plutôt que de condamner la personne.

Sous les substances, la douleur des blessures d’enfance

Selon Gabor Maté, « la source des addictions ne se trouve pas dans les gènes, mais dans l’environnement de la petite enfance ». Ses années de pratique auprès de toxicomanes lui ont montré que presque tous ont en commun d’avoir subi des traumatismes dans l’enfance Qu’il s’agisse d’abus, d’abandon, d’insécurité affective ou de grandes détresses émotionnelles non résolues. Donc, la dépendance n’est pas un choix délibéré ni un vice moral. C’est un mécanisme de survie qui a dégénéré. L’héroïne, par exemple, n’est pas seulement une substance euphorisante ; pour une personne en souffrance, elle est surtout le moyen le plus efficace qu’elle ait trouvé pour engourdir une douleur psychique intolérable ou combler un vide intérieur.

Gabor Maté élargit même le propos en évoquant un continuum de dépendances : Entre le toxicomane marginalisé et le « drogué du travail » ou l’accro aux écrans, il n’y a qu’une différence de degré, pas de nature. Dans tous les cas, la racine est similaire – un mal-être intérieur – seul le masque (la substance ou l’activité utilisée) diffère.

Libérer sans punir : la guérison par la compassion

Ce regard compatissant ne signifie pas que Gabor Maté prône la résignation. Bien au contraire, il affirme que l’on peut se libérer d’une addiction en s’attaquant à sa cause profonde. Cela passe par reconnaître la douleur originelle et par apprendre d’autres façons d’y répondre. Il insiste aussi sur l’importance de ne pas rajouter du trauma au trauma.

Or la société, avec sa « guerre contre la drogue », a souvent eu tendance à punir et ostraciser les personnes dépendantes. Pour le docteur Maté, ces politiques répressives reviennent à punir des individus qui ont déjà été abusés ou blessés dans la vie, ce qui ne fait que les enfoncer davantage. Il milite plutôt pour une approche thérapeutique et bienveillante : programmes de réduction des risques, salles de consommation supervisée, accompagnement psychologique centré sur le trauma. Les données montrent d’ailleurs que fournir un environnement sécurisé et du soutien aux toxicomanes (plutôt que de la stigmatisation) peut diminuer la mortalité et même favoriser le sevrage. Là encore, c’est la compassion qui est placée au cœur du processus de guérison.

Quand ma vision de l’addiction a changé à la lumière de la compassion

En lisant Au royaume des fantômes affamés, j’ai été saisie par les récits de patients que Gabor Maté partage, non pour le sensationnalisme, mais pour montrer l’humanité cachée derrière la toxicomanie. Par exemple, on y rencontre une femme dépendante au crack, abusée dans son enfance, qui malgré la dureté de sa vie prend soin des autres du quartier. Ainsi, Gabor Maté montre que même dans les cas les plus extrêmes, il subsiste une étincelle de dignité et de résilience.

Cette lecture a transformé mon regard : Au lieu de juger trop vite les comportements addictifs (chez les autres ou chez moi à petite échelle), j’essaie désormais de me demander quelle est la peine ou le manque d’amour qui se cachent derrière. C’est un changement de paradigme précieux que je dois en grande partie à l’enseignement de Gabor Maté.

L’importance de l’attachement : « Accrochez-vous à vos enfants »

La réflexion de Gabor Maté sur les traumatismes l’a naturellement conduit à s’intéresser à l’enfance et à la parentalité. En collaboration avec le psychologue Gordon Neufeld, il a coécrit Accrochez-vous à vos enfants (Hold On to Your Kids, 2004). C’est un ouvrage qui offre un éclairage original sur le développement de l’enfant dans le monde moderne. Le message central pourrait se résumer ainsi : « L’éducation, ce n’est pas une question de techniques, mais de relation ». En effet, Maté et Neufeld insistent sur le lien d’attachement entre l’enfant et les adultes bienveillants (parents, éducateurs) comme socle de son développement sain.

Dans nos sociétés occidentales contemporaines, ils observent un phénomène préoccupant qu’ils appellent « l’orientation par les pairs ». De plus en plus tôt, les enfants et les adolescents cherchent chez leurs pairs (camarades) la validation, l’affection et les repères qu’autrefois ils trouvaient auprès des parents. Ce transfert de l’attachement vers le groupe des semblables crée un déséquilibre. Car, il affaiblit l’influence naturelle des parents. Et, il laisse les jeunes grandir entre eux, guidés par des codes souvent superficiels ou anxiogènes (mode, statut social, réseaux sociaux…).

Gabor Maté explique que cette situation génère de l’insécurité affective chez les jeunes. Car leurs amis ne peuvent pas leur apporter la même stabilité qu’un parent aimant et mature. D’où le sous-titre anglais explicite : « Pourquoi les parents doivent compter plus que les copains ». Un enfant solidement attaché à ses parents aura moins besoin de se conformer aveuglément au groupe et aura plus confiance en lui pour explorer le monde.

Accueillir l’enfant intérieur : ce que m’a transmis Gabor Maté

J’ai trouvé particulièrement utiles les conseils pratiques prodigués dans Accrochez-vous à vos enfants pour renforcer le lien parent-enfant. Par exemple, Gabor Maté encourage les parents à passer du temps de qualité avec leurs enfants, à écouter leurs émotions sans jugement, et à créer des rituels familiaux qui nourrissent le sentiment d’appartenance. Il met en garde contre l’excès de discipline autoritaire ou, à l’inverse, le laxisme total. Car, dans les deux cas, l’enfant ne se sent pas vraiment « vu » par l’adulte. Ce dont un enfant a le plus besoin, c’est de se savoir inconditionnellement accepté et en sécurité pour exprimer qui il est. C’est ainsi qu’il développe une base solide pour affronter ensuite les défis de l’adolescence et de la vie adulte.

Ce livre a résonné avec mes propres expériences familiales, et m’a rappelé combien de petites blessures d’enfance découlent souvent d’un simple manque d’écoute ou de connexion à des moments clés. Il ne s’agit pas de blâmer les parents (qui font généralement de leur mieux), mais de prendre conscience que la relation affective est plus importante que n’importe quelle méthode éducative à la mode.

En définitive, la vision de Gabor Maté en matière d’éducation rejoint sa philosophie générale : tout est question de lien humain et d’amour. Un environnement familial chaleureux et sécurisant est le meilleur antidote aux traumas futurs. Et si l’on a manqué de cela enfant, il est toujours possible à l’âge adulte d’identifier ces carences d’attachement pour mieux comprendre nos difficultés relationnelles actuelles. Pour ma part, ce focus sur l’attachement m’a aidée à porter un regard plus indulgent sur mes parents et sur mon « enfant intérieur ». J’y ai puisé des clés pour, à mon tour, tisser avec mes proches des liens plus authentiques, seule véritable base d’épanouissement selon Gabor Maté.

Livre de Gabor Maté

Au-delà des diagnostics : repenser le TDAH et les troubles divers

L’approche globale de Gabor Maté l’a également amené à revisiter certains troubles très répandus, comme le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité). Lui-même diagnostiqué TDAH à l’âge adulte, il propose dans son livre L’esprit dispersé (Scattered Minds, 1999) une compréhension différente de ce trouble souvent controversé. Plutôt que de le considérer uniquement comme un désordre neurologique inné, le docteur Maté voit le TDAH comme un « mécanisme d’adaptation » développé face à un stress précoce. En clair, l’enfant hyperactif ou inattentif aurait, selon lui, subi dès la petite enfance une forme de manque d’harmonie : peut-être un parent dépressif ou surmené, ou un environnement anxiogène, qui ont empêché l’enfant de se sentir en sécurité et connecté. Le jeune cerveau, plastique, aurait alors adopté une stratégie de survie. Comme, se couper partiellement de la réalité présente (d’où l’inattention). Ou, bouger sans cesse pour évacuer une tension interne (d’où l’hyperactivité).

Bien sûr, cette thèse suscite des débats, car le TDAH a indéniablement des bases biologiques. Mais Gabor Maté n’oppose pas biologie et environnement. Il souligne seulement que le cerveau des bébés se développe au contact de son milieu. Un bébé calmé, bercé, stimulé avec amour construit différemment ses circuits attentionnels qu’un bébé livré à lui-même dans le stress. Ainsi, ce trouble serait dans bien des cas réversible si l’on agit tôt sur l’environnement de l’enfant. Et même chez l’adulte, au lieu de s’en tenir au seul traitement médicamenteux. Gabor Maté encourage à explorer les blessures d’enfance ou les situations familiales qui pourraient expliquer ces symptômes. En travaillant sur ces aspects (psychothérapie, modification du mode de vie, techniques de focalisation de l’attention), il est possible d’améliorer significativement la gestion du TDAH.

Au croisement de la médecine et de l’âme : l’approche intégrative de Gabor Maté

Au-delà du TDAH, Gabor Maté a abordé un large éventail d’autres troubles ou maladies à travers ses ouvrages et conférences : dépression, troubles auto-immuns, cancers, troubles du comportement… Chaque fois, il invite à élargir la perspective et à chercher le sens du symptôme. Par exemple, il raconte l’histoire d’une patiente atteinte de sclérose en plaques, qui en thérapie a réalisé qu’elle avait toujours « encaissé sans broncher » les épreuves familiales. Sa maladie, dans un sens, l’a obligée à s’arrêter et à enfin prendre soin d’elle. Comme si son corps disait « stop, occupe-toi de toi maintenant ». Ce genre d’interprétation n’enlève rien à la nécessité des traitements médicaux classiques. Mais, il ajoute une dimension existentielle à la guérison. C’est ce qui rend l’approche du docteur Maté si riche. Car, elle marie la science médicale, la psychologie et même une forme de spiritualité laïque centrée sur la connaissance de soi.

Pour moi qui ai longtemps cherché des réponses dans les livres de développement personnel, la lecture de Gabor Maté a été une révélation. Il ne propose pas de recette miracle ni de pensée magique. Au contraire, il nous confronte à la part d’ombre en nous : nos blessures, notre vulnérabilité… Mais avec une bienveillance telle qu’on y puise la force d’entamer un travail intérieur. C’est une démarche qui demande du courage, de l’honnêteté envers soi-même. Pour autant, l’enjeu en vaut la peine : recouvrer notre plein potentiel de guérison et de connexion.

Gabor Maté : un guide bienveillant sur nos chemins de vie

En parcourant la vie et la pensée du Dr Gabor Maté, c’est un véritable appel à la bienveillance que l’on entend. D’abord envers nous-mêmes, et envers les autres. Son parcours, jalonné de prises de positions courageuses et d’expériences au contact des plus vulnérables, force le respect. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est la cohérence humaine de son message. Qu’il parle du corps ou de l’esprit, d’addiction ou de parentalité, Gabor Maté nous ramène toujours à l’importance de l’amour, de l’authenticité et de la connexion.

Pour moi, Gabor Maté est plus qu’un médecin ou un auteur à succès : c’est un éclaireur qui m’a aidée à mettre des mots sur mes blessures et à entrevoir un chemin de guérison intérieure. Au fil de ses ouvrages, j’ai trouvé des clés pour mieux me comprendre et mieux comprendre les autres. J’ai aussi appris qu’il n’est jamais trop tard pour prendre soin de l’enfant blessé en nous et pour transformer notre douleur en compassion.

Partager la sagesse de Gabor Maté sur ce blog Chemins de vies, c’est une façon de transmettre à mon tour cet éclairage précieux. J’espère que cet aperçu de son parcours inspirant, de son approche du traumatisme et de sa pensée vous aura donné envie d’en savoir plus. Chacun de ses livres aborde en profondeur un aspect spécifique et j’aurai plaisir à vous en reparler plus en détail dans de prochaines chroniques dédiées. En attendant, retenons de Gabor Maté cette question essentielle qui résume si bien son apport : face à toute détresse, demandons-nous non pas « qu’est-ce qui ne va pas chez moi/toi » mais plutôt « qu’est-ce qui t’est arrivé ? ».

C’est là le début du chemin vers la guérison.

Un chemin de vie que nous avons tous le pouvoir d’emprunter, pas à pas, avec bienveillance.

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8 réflexions sur “Gabor Maté : un parcours inspirant et une nouvelle compréhension du traumatisme”

  1. Super article, tu m’as vraiment donné envie de lire ses livres, merci pour le partage ! Michel Odoul pourrait peut-être t’intéresser avec ses livres sur le sens des maladies.

  2. Très intéressant! Je connaissais Gabor Maté de nom, sans savoir qui il était vraiment. Son approche paraît vraiment intéressante et couvre un large spectre de comportements. Ce qu’il dit du TDAH est interpellant.
    Mais ce que j’aime surtout, c’est la pensée que « Le traumatisme n’est pas ce qui vous est arrivé, mais ce qui se passe en vous du fait de ce qui vous est arrivé » parce qu’on ne réagit pas tous de la même façon à un événement et qu’il est important d’être ouvert et indulgent face aux réactions de ceux qui nous entourent.
    Merci pour le résumé de ce parcours inspirant!

    1. Bonjour Caroline et merci pour ton commentaire ! C’est vrai que sa vision du TDAH est peu commune et qu’elle interpelle beaucoup. Le Docteur Gabor Maté ayant lui même été diagnostiqué, je pense que son approche est nourrie de son propre parcours. Ce qui ne la rend pas moins intéressante, car elle ouvre à un autre regard qui peut certainement parler à certains. Notamment celles et ceux qui ne se reconnaissent pas totalement dans la description plus « traditionnelle » du TDAH. Car, comme tu le dis « on ne réagit pas tous de la même façon ». Au plaisir d’échanger à nouveau et encore merci d’avoir partagé ta pensée ici !

  3. Cet article m’a vraiment impacté. Tout d’abord merci Solweig pour la découverte de Gabor Maté.
    Depuis un an, maintenant, j’ai pris un nouveau chemin. Il m’a suffi d’entendre la parole d’un conférencier thérapeute pour que cela génère un déclic. En bref, je considère avoir fait « le deuil de mon enfance » ce jour-là.
    Depuis ce jour, je ne me force pas à trouver à tout prix des explications : je fais confiance à cette nouvelle vie et je laisse venir à moi les opportunités et naturellement, je l’espère, je trouverai bientôt des réponses à mes questions.
    Peut-être que les travaux de Gabor Maté peuvent m’aider à y voir plus clair. Encore merci pour la découverte.

    1. Bonjour Philippe, je suis heureuse que cet article vous ait permis de découvrir le parcours et l’approche de Gabor Maté. Il est vrai que certaines rencontres donnent parfois ce « déclic » dont vous parlez et si la compréhension de ce qui se passe en nous est nécessaire pour certains (ce qui fut mon cas), d’autres ont juste besoin de poursuivre sereinement leur chemins. C’est là que l’écoute bienveillante a toute son importance : elle permets d’entendre qu’il n’y a pas une voie de guérison, mais des chemins très personnels à chacun. J’espère vous retrouver prochainement, lorsque j’aborderai plus précisément les travaux de Gabor Maté. En attendant, je vous remercie pour ce partage inspirant. A bientôt !

  4. Merci pour cet article inspirant et si juste 🙏. Cette phrase de Gabor Maté m’a particulièrement touchée : « Le traumatisme n’est pas ce qui vous est arrivé mais ce qui se passe en vous du fait de ce qui vous est arrivé. »
    En tant qu’assistante familiale, je vois combien le lien d’attachement et le trauma traversent le quotidien de la plupart des enfants placés.
    Ton article m’a rappelé deux réflexions que j’ai partagées dans mes écrits : l’une sur les émotions, l’autre sur le fait de savoir dire non.
    Pour moi, la véritable guérison est passée par le pardon… et au final, on revient toujours à l’Amour. 💜
    On revient inévitablement à l’Amour. 💜
    Je vais m’intéresser de plus près aux travaux du Dr Gabor Maté. Merci encore !

  5. Merci Solweig pour cet article inspirant ! J’ai beaucoup aimé ta façon de présenter la pensée de Gabor Maté. Sa vision du traumatisme, centré sur ce qui se passe en nous plutôt que sur l’événement en soi, résonne profondément — surtout pour les hypersensibles comme moi, qui vivons intensément chaque expérience. Un bel éclairage plein de sensibilité !

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