Il arrive, parfois des années plus tard, que des blessures que l’on croyait apaisées se rappellent à nous avec une intensité déroutante. Les souvenirs reviennent sans prévenir, les émotions se réveillent comme si le passé faisait soudain irruption dans le présent. Cette réactivation peut ébranler nos repères, générer de l’anxiété, de la confusion, un sentiment d’injustice ou une profonde détresse. Elle n’est pas le signe d’un échec, mais plutôt celui qu’une part de nous porte encore une douleur qui demande à être entendue et soignée.
Dans cet article, je vous propose d’explorer pourquoi un traumatisme peut refaire surface après tant d’années, comment reconnaître les mécanismes de déclencheurs et de flashbacks, et quelles ressources permettent de retrouver un peu de stabilité intérieure. J’y partage également une expérience personnelle de réactivation de blessures anciennes, pour montrer de quelle manière ces mécanismes peuvent s’inviter dans nos vies, parfois au moment où l’on s’y attend le moins. Que vous soyez directement concerné ou que vous accompagniez un proche, ces éclairages visent à offrir compréhension, réconfort et pistes concrètes pour avancer pas à pas vers plus de sérénité et de résilience.

Qu’appelle-t-on un traumatisme ?
Pour comprendre pourquoi une blessure psychique refait surface, il faut d’abord revenir à la notion même de traumatisme. Je vous l’explique plus précisément dans l’article “Traumatisme psychique : définition, effets visibles et symptômes invisibles “. Donc, pour résumer, on parle de traumatisme lorsqu’un événement marquant, douloureux ou bouleversant laisse une empreinte durable dans le psychisme. Chaque être humain réagit différemment. Ce qui semble surmontable pour l’un peut être profondément déstabilisant pour un autre. Le traumatisme ne connaît ni âge, ni genre, ni origine sociale : il peut toucher chacun d’entre nous.
Selon le Pacific Coast Mental Healt, les spécialistes distinguent généralement trois formes principales :
- Le traumatisme aigu, lié à un événement unique, brutal et bouleversant. Il peut s’agir d’un accident de voiture, d’une catastrophe naturelle ou d’un deuil soudain, par exemple.
- Le traumatisme chronique, conséquence d’une exposition répétée à des situations oppressantes ou violentes, telles que la violence domestique, l’intimidation ou les abus prolongés.
- Le traumatisme complexe, qui résulte de multiples expériences traumatiques, souvent dans des contextes interpersonnels profonds, comme la maltraitance durant l’enfance ou la négligence affective.
À cela s’ajoute le trouble de stress post-traumatique (TSPT), qui peut apparaître après un événement particulièrement marquant. Bien que souvent associé aux militaires, ce trouble peut concerner toute personne confrontée à une épreuve extrême : accident, agression, catastrophe ou violences.
Pourquoi un trauma peut-il ressurgir ?
Lorsqu’un souvenir douloureux resurgit, l’expérience peut sembler incompréhensible, presque injuste. Pourtant, il existe plusieurs explications possibles.
Un traumatisme non pleinement guéri
Il arrive que l’on pense avoir surmonté une épreuve, alors qu’elle n’a jamais été réellement traitée en profondeur. Dans ce cas, la douleur reste enfouie et elle peut refaire surface à la faveur d’un déclencheur, d’une émotion ou d’une période de fragilité. Sans accompagnement ni espace de réparation, le vécu reste présent dans l’ombre.
La rencontre avec un déclencheur
Les déclencheurs sont des rappels, parfois discrets, parfois évidents, qui réveillent un souvenir traumatique. Une odeur, une chanson, une phrase, ou encore un lieu lié à l’événement initial peuvent suffire à ranimer des émotions intenses, comme si l’expérience se rejouait. Reconnaître ses propres déclencheurs est une étape clé pour reprendre du pouvoir sur ce qui survient.
Un stress de vie trop important
Conflits, pression professionnelle, difficultés relationnelles… La vie quotidienne impose parfois une charge trop lourde et notre système intérieur s’affaiblit. Dans ces moments, d’anciennes blessures peuvent se rouvrir. Le stress agit alors comme une fissure par laquelle le traumatisme réapparaît.
Un mode de vie qui fragilise et réveille le traumatisme
Le corps et l’esprit sont intimement liés. Un sommeil insuffisant, une alimentation déséquilibrée, le manque de mouvement ou encore la consommation de substances comme l’alcool peuvent fragiliser la stabilité émotionnelle. Ces déséquilibres favorisent la réapparition de souvenirs traumatiques ou ils accentuent leur intensité.

Déclencheurs et flashbacks : comprendre les mécanismes
Un déclencheur est un stimulus, comme une odeur, un son, une image, une pensée, qui ramène brutalement à l’événement initial. Ces signaux peuvent être internes, comme une émotion soudaine ou une sensation corporelle. Ils peuvent également être externes, comme un bruit, une voix ou un lieu particulier.
Lorsque le déclencheur est trop intense, il peut mener à un flashback. C’est-à-dire une reviviscence du traumatisme. Dans ces instants, la personne a l’impression de revivre l’événement en temps réel. Les flashbacks peuvent se traduire par une dissociation, des palpitations, une sueur soudaine, une angoisse envahissante ou un sentiment de terreur incontrôlable.
Ces expériences sont épuisantes, mais elles ne signifient pas que l’on est faible. Elles traduisent simplement que le corps et l’esprit cherchent encore à digérer une épreuve qui n’a pas trouvé sa place.
Les effets d’un traumatisme réactivé
Quand un traumatisme revient frapper à la porte, les conséquences peuvent se faire sentir sur tous les plans.
Émotionnellement, on observe souvent de l’irritabilité, une tristesse persistante, une perte d’intérêt ou une anxiété importante.
Physiquement, les troubles du sommeil, les douleurs chroniques, les tensions musculaires ou les crises de panique viennent fragiliser encore davantage l’équilibre.
Socialement, les relations, le travail ou les activités du quotidien peuvent en pâtir. Ce qui renforce généralement le sentiment d’isolement.
Prendre conscience de ces effets est une première étape pour chercher le soutien nécessaire. Car, il est vraiment indispensable de ne pas rester seul face à cette épreuve.
Mon expérience de la réactivation du traumatisme
Il y a presque deux ans, j’ai dû faire face à la réactivation de traumatismes remontant à mon enfance, alors que je pensais avoir fait tout le travail nécessaire pour que cela ne se reproduise plus. Depuis plus de huit ans, je vivais avec mon conjoint, que j’aime profondément, et je bénéficiais d’une véritable stabilité dans ma vie quotidienne, tant sur le plan physique qu’émotionnel.
Quand les émotions du passé ressurgissent dans le présent
Le fils de mon conjoint, qui n’avait jamais vraiment accepté ma relation avec son père malgré nos années de vie commune, a décidé d’emménager juste à côté de chez nous. Au fond de moi, je sentais bien que sa présence allait bouleverser notre quotidien. Et c’est exactement ce qui s’est passé…
Peu à peu, j’ai dû faire face à des attitudes blessantes, à des coups bas et à des paroles ayant pour seul but de me faire sentir que je n’avais pas ma place aux côtés de son père. La maison où nous vivions depuis huit ans appartenait à mon conjoint, et son fils s’employait à me faire comprendre que cette maison était avant tout la sienne, pas la mienne. Mon conjoint, tiraillé entre son amour pour moi et son amour pour son fils, refusait d’intervenir et faisait comme si l’attitude de son fils n’avait aucun impact sur moi.
Les blessures d’enfance réveillées
Pour celles et ceux qui connaissent mon histoire d’enfance, vous avez peut-être déjà compris quelles blessures se sont réveillées dans ces circonstances :
- La blessure de rejet : j’ai retrouvé cette terrible impression de ne pas avoir ma place, comme lorsque j’étais enfant et que mes parents me répétaient que je n’avais pas le droit d’exister dans la famille, que j’étais « mauvaise » et « toxique » pour eux et mes frères et sœurs.
- La blessure d’abandon : c’est le même sentiment d’abandon que j’ai connu lorsque mon père n’a pas voulu me protéger de l’homme qui m’a agressée sexuellement pendant des mois, alors que j’avais neuf ans. Dans cette situation douloureuse, mon conjoint a joué le même rôle que mon père autrefois : il refusait de voir à quel point son fils me faisait souffrir par ses gestes et ses paroles.
Pourtant, rien de comparable ne se passait dans ma vie actuelle : il ne s’agissait ni d’une nouvelle agression physique, ni d’une agression sexuelle, et je n’étais plus une enfant confrontée à un adulte. Cette fois, le problème ne venait pas de mon père, qui aurait dû me protéger, mais de l’indifférence de mon conjoint. Il n’y avait ni odeur, ni son, ni image liée à mon passé – et j’étais pourtant à des centaines de kilomètres des lieux où ces traumatismes avaient eu lieu. Malgré tout, mes blessures d’enfance revenaient avec une force inouïe.
Après quelques mois à vivre cette situation quasi-quotidienne, je suis redevenue la petite fille vulnérable que j’étais il y a plus de trente ans. Au plus profond de moi, je souffrais de la même douleur qu’alors. Complètement déstabilisée par ce soudain retour de la douleur psychique, j’ai retrouvé le même réflexe qu’il y a longtemps : fuir. J’ai alors quitté la maison de mon conjoint, où je m’étais pourtant sentie si bien, en paix et sereine pendant plus de huit ans.
Trouver un nouvel espace intérieur
Seule dans ma nouvelle maison, j’ai revécu le rejet, l’abandon et l’indifférence qui m’avaient tant fait souffrir et que je croyais avoir surmontés. J’ai retrouvé mes vieux réflexes d’antan, lorsque la douleur allait de pair avec colère et sentiment d’injustice, et je ne voyais plus que la mort comme seul échappatoire. N’avais-je donc rien appris de mon long parcours de guérison ? Ni la méditation, ni le Reiki, ni aucune technique d’apaisement n’ont pu empêcher cette véritable descente aux enfers…
C’est là, alors que je cherchais désespérément quelque chose à quoi m’accrocher pour ne pas commettre l’irréparable, que j’ai découvert l’IFS et la Compassionate Inquiry®. Avec l’aide de thérapeutes et de personnes bienveillantes, j’ai enfin pu comprendre que celle qui souffrait n’était pas moi, l’essence de celle que je suis – mon Self, selon Richard Schwartz, le fondateur de l’IFS. Non, celle qui souffrait si fort, c’était en réalité une partie de moi profondément blessée autrefois, que d’autres parties de mon être avaient alors exilée pour la protéger d’un autre trauma.
Réussir à m’éloigner, ne serait-ce que quelques instants par jour, de ces parties douloureuses m’a été d’une grande aide. C’est ainsi que j’ai pu créer en moi un espace me permettant de les observer sans être emportée par leur souffrance. Peu à peu, avec du temps et du soutien, j’ai même pu commencer à dialoguer avec ces parties de moi pour les aider à se décharger de ces douleurs du passé qu’elles rejouaient dans le présent.
Comment apaiser les déclencheurs et les flashbacks ?
Plusieurs pistes peuvent aider à retrouver une forme de stabilité intérieure :
- S’appuyer sur son entourage : partager son vécu avec des personnes de confiance allège le poids et rappelle que l’on n’est pas seul.
- Prendre soin de son corps : retrouver un rythme de sommeil régulier, privilégier une alimentation équilibrée, bouger un peu chaque jour, limiter les substances nocives.
- Pratiquer des techniques d’ancrage : respiration consciente, méditation, yoga ou auto-compassion permettent d’apaiser le système nerveux.
- Être accompagné par un professionnel : certaines thérapies, comme l’EMDR, l’IFS ou la Compassionate Inquiry® TCC, sont spécialement conçues pour aider à traiter les traumatismes en profondeur.
Quand demander de l’aide ?
Parfois, malgré nos efforts personnels, le traumatisme continue de revenir avec force. Si les flashbacks deviennent envahissants, si la tristesse ou l’anxiété s’installent durablement, si les cauchemars se répètent ou si l’on se sent tenté de recourir à des substances pour tenir, il est essentiel de trouver du soutien.
Demander de l’aide n’est pas une faiblesse :
c’est un acte de courage et un pas essentiel vers la guérison.
Prévenir la réapparition d'un traumatisme et avancer
Même si l’on ne peut pas toujours contrôler l’arrivée des déclencheurs, certains gestes simples soutiennent le chemin de guérison :
- accueillir ses émotions dès qu’elles se présentent,
- identifier peu à peu les situations sensibles,
- entretenir des relations nourrissantes,
- poursuivre un suivi thérapeutique si nécessaire.
Embrasser le chemin de la guérison après un trauma
La réactivation d’un traumatisme n’est pas un retour en arrière, mais un signal que quelque chose en soi demande encore de l’attention et du soin. Avancer sur ce chemin requiert patience, tendresse envers soi et persévérance. Rappelez-vous : vous n’êtes pas seul. Chaque pas compte, et des ressources existent, ici ou ailleurs, pour vous accompagner vers plus de paix intérieure.
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