
Pour beaucoup de personnes ayant subi un traumatisme, le bonheur peut sembler aussi inaccessible qu’une étoile lointaine : visible, mais hors de portée. Alors que la société valorise cette quête comme une évidence, pour un(e) survivant(e) du trauma, entrer dans un espace joyeux peut être profondément inconfortable, voire terrifiant. Pourquoi cette distance face à la joie ? Et comment amorcer une guérison qui permette peu à peu de retrouver sérénité et lumière ?
Bonheur après un traumatisme : comprendre l’impact du choc sur le cerveau et le corps
Comme je vous l’explique dans l’article Traumatisme psychique : définition, symptômes visibles et invisibles, les traumatismes ne s’effacent pas avec le temps, ils laissent une empreinte durable sur la façon dont nous vivons nos émotions, nos relations et notre rapport au monde. Sur le plan neurologique, les chercheurs ont montré que l’amygdale, centre de la peur, reste hyperactive longtemps après l’événement. Le cortex préfrontal, siège de la pensée rationnelle, voit son fonctionnement altéré. Conséquence : même dans un environnement sûr, le système nerveux reste sur le qui-vive, incapable de se relâcher totalement.
« Le bonheur peut sembler une terre étrangère à quelqu’un qui a vécu en mode survie… Le système nerveux devient tellement sensible à la menace que son absence est déstabilisante. »
Dr Gabor Maté
Ce mécanisme explique pourquoi, pour beaucoup, la simple idée de se sentir heureux ou paisible réveille de l’anxiété. Le bonheur après un traumatisme n’est pas une évidence, mais il peut se construire pas à pas, à condition de comprendre d’abord ce qui se joue à l’intérieur de soi.
Pourquoi éprouver de la joie peut faire peur après un traumatisme ?
Pour un(e) survivant(e), la joie n’est pas seulement rare : elle peut être vécue comme une menace. Lorsqu’elle surgit, elle ressemble à une lumière soudaine dans une pièce longtemps plongée dans l’ombre. Cette irruption provoque parfois malaise, crainte, voire rejet. Plusieurs raisons expliquent cette difficulté à accueillir des émotions positives :
- La familiarité de la souffrance : même douloureux, l’état de mal-être est devenu familier. Sortir de cet état déclenche parfois une réponse de type « combat ou fuite ».
- La peur de la vulnérabilité : être heureux suppose une ouverture émotionnelle, avec le risque d’être à nouveau blessé. La question « Et si ça ne dure pas ? » crée une tension paralysante.
- La culpabilité du survivant : ressentir de la joie peut réveiller un sentiment de trahison envers ceux qui souffrent encore, ou l’impression de ne pas « mériter » ce bonheur.
- Un traumatisme non traité : lorsque le passé n’a pas été accueilli et travaillé, le bonheur peut rouvrir des blessures enfouies, comme une fenêtre qui laisse entrer un vent violent.
Ces freins ne sont pas des faiblesses, mais des réactions naturelles liées à l’histoire et au système nerveux. Ils expliquent pourquoi se reconstruire après un traumatisme est un chemin progressif.
Bonheur et psychologie positive : une construction intérieure
Contrairement à ce que l’on croit parfois, le bonheur n’est pas un privilège réservé à quelques-uns. C’est une construction psychophysiologique qui s’appuie sur plusieurs piliers. En psychologie positive, les études indiquent que :
- environ 50 % de notre disposition au bonheur est liée à nos prédispositions génétiques ;
- environ 10 % dépend des circonstances de vie (sécurité, relations, environnement social) ;
- près de 40 % proviennent de nos actions intentionnelles, comme cultiver la gratitude, pratiquer la pleine conscience ou entretenir des liens nourrissants.
Pour une personne marquée par un traumatisme, cette dernière part est cruciale. Elle ne nie pas la douleur du passé, mais elle montre qu’il existe une marge de manœuvre réelle. Par des gestes simples, par un travail thérapeutique adapté, par l’attention portée aux micro-moments de joie, il est possible de réentraîner le cerveau à accueillir la lumière.

Quelques pistes pour réapprendre la joie après un traumatisme
Retrouver le bonheur après un traumatisme ne signifie pas gommer ce qui a été vécu. C’est au contraire apprendre à avancer en intégrant ses blessures. Parmi les pratiques qui aident :
- Les micro-moments de joie : savourer un rayon de soleil, une tasse de thé, une mélodie apaisante. Ces instants, même fugaces, rééduquent le système nerveux à ressentir de la sécurité.
- L’autocompassion : comme le rappelle Dr Kristin Neff, se traiter avec douceur est un outil puissant de guérison.
- La sécurité émotionnelle : un accompagnement thérapeutique spécialisé est souvent indispensable pour apprendre à s’ancrer.
- L’exposition progressive : renouer avec le plaisir petit à petit, sans pression, comme on entrouvre une porte.
- Casser les croyances limitantes : remplacer « Je ne mérite pas d’être heureux » par « Je peux être en paix ».
- Chercher du soutien : avancer seul est lourd ; marcher aux côtés d’autres personnes rend le chemin plus supportable.
« Le traumatisme n’est pas ce qui vous arrive, mais ce qui se passe en vous, conséquence de ce qui vous arrive. »
Dr Gabor Maté Tweet
Cette phrase rappelle que la guérison se joue moins dans le passé que dans la manière dont on se relie à soi-même aujourd’hui.
Le bonheur après un traumatisme : un voyage, pas une destination
La transition de la survie vers le bonheur est rarement linéaire. Il y aura des avancées, des retours en arrière, des moments de doute. Mais chaque petit pas compte. Respirer en conscience, oser partager son vécu, accepter un sourire ou une douceur inattendue… ce sont des pierres posées sur le chemin.
Le bonheur ne supprime pas le traumatisme. Il ne nie pas les cicatrices, il ne gomme pas les pertes. Mais il rappelle que malgré la douleur, une vie plus paisible et plus libre est possible. Le bonheur après un traumatisme n’est pas une illusion, mais une construction lente, fragile et précieuse.
Lorsque vous serez prêt(e), il pourra devenir une présence silencieuse, stable et méritée. Non pas un état permanent, mais une lumière qui accompagne et qui soutient.
Bienvenue dans ce voyage, pas à pas, vers des chemins plus lumineux.
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